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jeudi 15 septembre 2011

Martine Aubry: «Ma France sera plus juste»

Retrouvez ci-dessous l'interview de Martine Aubry pour Direct Matin, publiée le jeudi 15 septembre, jour du premier débat télévisé entre les candidats.

Ces débats seront-ils décisifs ?

Ils sont essentiels car les Français verront qui a la personnalité et la cohérence pour redresser notre pays. Mais j’aurais préféré des face-à-face qui auraient permis de voir la solidité et le courage de chacun. Nous sommes six, c’est sans doute difficile.

Quels sont vos atouts ?

Les Français me connaissent, ils savent que j’ai une expérience importante à la tête de ma ville et en tant que ministre. Ils savent surtout que lorsque je dis les choses, je les fais. Quand ça tangue, je tiens la barre. Mais il faut surtout de la clarté pour expliquer qu’un chemin de sortie de crise existe. C’est pourquoi j’ai envoyé une lettre aux Français avec mes priorités et les moyens de les tenir et de les financer.

Pourquoi êtes-vous candidate ?

Je pense être la mieux à même de battre Nicolas Sarkozy puis de redresser profondément notre pays en rassemblant les Français. Ils attendent de retrouver la République qu’ils aiment et qu’on n’aurait jamais dû quitter. Je mets beaucoup de force dans la campagne pour les convaincre qu’avec moi, la France retrouvera son poids, sa voix, qu’elle sera plus forte et plus juste. Tout cela est décuplé par le soutien des Français que je rencontre.

Pourtant, les sondages ne vous sont pas favorables…

Les sondages sur les primaires ne sont pas fiables. C’est ce qu’ont dit tous les professionnels. Je crois qu’il faut les laisser de côté.

Quelle sera votre première décision ?

Elle sera symbolique : réduire le salaire du Président et du Premier ministre, car l’exemple doit venir d’en haut. De la même manière, je déposerai immédiatement une loi déjà prête pour qu’il y ait enfin une égalité salariale entre hommes et femmes dans les trois ans. Les entreprises qui ne la respecteraient pas perdraient leurs exonérations de cotisations. Enfin, je mettrai en oeuvre une grande réforme fiscale pour redistribuer du pouvoir d’achat à ceux qui en ont le plus besoin et relancer l’économie par l’investissement. Je veux reconstituer une fiscalité très claire : chacun doit contribuer à hauteur de ses moyens.

Pourquoi avoir fait de la sécurité l’une de vos priorités ?

M. Sarkozy, qui a supprimé 11 000 postes de policiers, n’est plus crédible. La crédibilité a changé de camp. Les Français savent qu’il n’y a plus de policiers dans les quartiers et dans les zones rurales, que les magistrats n’ont pas le temps de juger dans les délais raisonnables et que nous n’avons pas une gamme de réponses adaptées à chaque acte de délinquance. Quand on est maire, comme moi, on sait ce que signifie la sécurité. Elle doit redevenir un droit pour chacun avec un principe simple : tout acte d’incivilité ou de délinquance, dès le premier, doit donner lieu à une sanction, juste, proportionnée et rapide.

Autre priorité, l’éducation. Que pensez-vous de la proposition de François Hollande qui veut recréer 60 000 à 70 000 postes ?

Les miennes sont plus ambitieuses. Quand on a compris la gravité de la situation, il ne suffit pas de remettre des effectifs. S’il faut, bien sûr, des moyens supplémentaires d’enseignants, il faut surtout les affecter où le besoin est le plus pressant. Il faut d’abord remettre en place au plus vite la formation des enseignants, et adapter les pédagogies et les rythmes scolaires aux enfants que l’on a devant soi. Ils doivent avoir le temps de travailler à un projet collectif et ces heures doivent être rémunérées. C’est une grande révolution qui donne de l’autonomie aux enseignants.

Mais cela nécessite des moyens…

Certes, les déficits sont très importants, mais pour la Cour des comptes, les deux tiers sont dus aux cadeaux fiscaux faits par le président de la République. Un tiers seulement est dû à la crise. Nous avons des marges de manoeuvre très importantes si l’on coupe 50 milliards dans les niches fiscales inefficaces. Nous supprimerons par exemple la défiscalisation des heures supplémentaires, qui est une mesure folle…

La priorité, c’est donc de faire des économies ?

Nous procéderons aussi à un redéploiement des ressources dans un même budget. Je prends l’exemple de la politique du logement, dont le budget est de 33 milliards. Un tiers est consacré à des avantages pour les multipropriétaires. Si l’on reprend une partie de cette somme – trois ou quatre milliards –, on finance 150 000 logements sociaux par an. Mais il ne suffit pas de réduire les déficits publics, il faut aussi relancer la croissance : un point en plus, c’est 10 milliards de recettes fiscales. On le voit en Grèce ; le plan d’austérité trop brutal a entraîné une perte de croissance de 12 %. C’est pourquoi je veux relancer la croissance de manière ciblée en aidant l’investissement des PME ou en lançant rapidement 300 000 emplois jeunes.

Mais ce ne sont pas des emplois pérennes…

Ce sont des contrats de trois ans mais qui prépareront les jeunes aux métiers dont on aura besoin demain. Je pense ainsi aux 7 000 jeunes que nous formerons à faire le bilan thermique dans les logements. Ils pourront ensuite travailler dans les entreprises du bâtiment pour faire les travaux nécessaires à la réduction de la facture énergétique.

La crise des finances européennes vous inquiète-t-elle ?

Elle m’inquiète énormément. Depuis deux ans, nous disons que si on ne fait rien pour arrêter la spéculation des marchés financiers et des banques, si on ne crée pas la taxation sur les transactions financières, si on ne change pas le statut des agences de notation, tout recommencera. De plus, l’Europe est toujours arrivée trop tard, comme des pompiers qui arriveraient avec une lance à incendie à moitié vide. Elle n’a pas aidé la Grèce comme elle aurait dû en la contraignant à un plan d’austérité trop lourd et trop rapide. Cela entraîne aujourd’hui une spéculation qui fait courir un vrai risque pour l’euro. Il manque les architectes pour mettre la finance au service de l’économie et ne pas la laisser diriger le monde.

Faut-il nationaliser les banques ?

On n’en est pas là. Mais rappelez-vous quand, en 2008, l’Etat a prêté 20 milliards d’euros aux banques ; nous avions dit qu’il fallait entrer au conseil d’administration pour contrôler leurs pratiques, leur demander de se recapitaliser avec les bénéfices qu’elles ont réalisés (25 milliards pour les cinq plus grandes en 2010). Aujourd’hui, certaines ont des actifs en Grèce et en Italie qui les fragilisent ; si on en arrive à être obligé d’intervenir, l’Etat doit entrer au capital car on ne peut pas indéfiniment demander au citoyen de payer.

Est-il envisageable de pousser la Grèce hors de l’Euro ?

Ce serait une catastrophe. Si un pays doit quitter la zone euro parce que l’Europe n’a pas su trouver un autre chemin, c’est tout l’esprit de l’Europe qui est en cause. C’est pour cela qu’en juillet, j’avais écrit qu’il faut «sauver la Grèce pour sauver l’euro et sauver l’Europe».

DSK doit-il s’exprimer sur cette question ?

Dominique est sorti d’un cauchemar extrêmement lourd (…). Laissons-le respirer et s’exprimer quand et comme il l’entendra. Je sais qu’il aura envie d’être utile à son pays et sa voix portera, surtout dans cette période de crise. Pour le reste, c’est à lui de décider.

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