Dès le débat terminé, Martine Aubry est allée retrouver ses partisans dans le quartier Bastille et ses mots aux militants résument bien sa stratégie tout au long de son face-à-face avec François Hollande : contre "les petits arrangements", elle a voulu parler au "peuple de gauche qui comprendra où est la morale, le courage et la pugnacité". Alors qu'elle était en dynamique après son score du premier tour, la maire de Lille a dû en effet réagir face au ralliement surprise de Ségolène Royal à son adversaire. Et la tentation de jouer une forme de victimisation sur le mode "Martine seule contre tous" dans la dernière ligne droite était à l'oeuvre mercredi soir. D'autant plus que le débat de presque deux heures sur France 2 n'aura vraisemblablement pas fait bouger les lignes.
Certains avaient en effet annoncé un pugilat "caractère contre caractère", ce fut en réalité un débat long et souvent technique entre deux présidentiables sérieux. François Hollande a tout au long de la soirée laissé passer des critiques de Martine Aubry, moins violentes qu'attendues, mais régulières pour creuser au maximum les différences de fond et de personnalité. Résultat, les téléspectateurs ont dû quelque peu rester sur leur faim, dans l'attente d'un ou deux moments décisifs, de ceux qui font basculer dans un sens ou dans un autre la fin d'une campagne. Mais ces instants ne sont pas venus.
Une pugnacité calculée
Certes, la maire de Lille a bien tenté de mettre son rival en difficultés sur le cumul des mandats, son programme en matière d'éducation ou encore son supposé manque d'expérience, mais François Hollande a su plutôt habilement esquiver les coups. Dans son exécution parfois artificielle, cette position tactique a pu donner l'image d'une femme jouant à dessein des oppositions internes au parti socialiste. Mais cette pugnacité à risques avait été pensée et assumée par le staff de la candidate.
Là où François Hollande a cherché, souvent avec succès, à poursuivre dans le duel télévisé sa stratégie de prise de hauteur présidentielle, Martine Aubry s'est en priorité adressée au coeur de la gauche et à des électorats que le côté "institutrice tatillonne" ne rebute pas. Convaincue que l'élection de dimanche se fera avec des électeurs plus radicaux que raisonnables, la maire de Lille a voulu parler mercredi soir un langage de socialisme décomplexé. Quitte à se voir reprocher dès les premières minutes du débat par François Hollande le risque "d'une candidature sectaire". Cette formule fut la réponse du député de Corrèze à toute l'offensive des derniers jours sur le thème de "la gauche molle", mais la maire de Lille a campé sur cette ligne.
Contre "une économie offerte"
Dans un débat où les questions économiques et sociales ont largement dominé, contexte de crise oblige, François Hollande et Martine Aubry ne se sont jamais montrés aussi proches d'Arnaud Montebourg et de Ségolène Royal, tout du moins dans les mots employés. En jeu, les reports de voix lors. Incontestablement, les deux candidats ont fait mouvement vers plus de fermeté et de volonté vis-à-vis notamment des banques ou de l'échange inégal, notamment avec la Chine. Sans reprendre à leur compte le thème de la démondialisation, ils ont l'un et l'autre assumé le fait qu'il allait falloir changer les règles de la mondialisation. "Je suis pour l'économie ouverte mais pas pour l'économie offerte", a lâché François Hollande tandis que sa rivale vantait le "juste échange", "ce qu'Arnaud appelle protectionnisme" a expliqué Martine Aubry.
Sur les thèmes abordés, certains internautes ou responsables de l'UMP se sont étonnés de ne pas y retrouver les questions de politique étrangère comme l'OTAN, la Russie ou les révolutions arabes, pourtant domaine de prédilection d'un président de la République française. Et de juger les prestations de Martine Aubry et François Hollande comme celles de bons futurs Premiers ministres voire ministres de l'Economie et des Finances, mais pas de futur chef d'Etat. Si la remarque est pertinente, elle peut s'expliquer par un contexte de crise économique et financière particulièrement grave qui obligera le futur locataire de l'Elysée à s'occuper avant tout d'économique et de social, en faisant régulièrement de la pédagogie très concrète aux Français inquiets. Les points d'accord sur une nouvelle pratique de la fonction présidentielle entre François Hollande et Martine Aubry ont été clairs.
Au final, si la fin de campagne a tourné autour du débat très sémantique entre "gauche molle" et "gauche dure", le débat de mercredi soir a lui montré deux candidats assez d'accord sur le fond. Si chacun a cherché à pousser son avantage, les lignes jaunes n'ont pas été franchies, loin de là. Et pour les Français qui se sont étonnés de tensions entre les deux camps depuis quelques jours, il serait bon de comparer avec la violence des propos échangés dans les débats de primaires aux Etats-Unis, contraste qui fait apparaître la primaire socialiste comme un doux chemin de roses.
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