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mercredi 12 octobre 2011

Le CSA met en garde contre "une surexposition de l'opposition"

Ces dernières semaines, le Parti socialiste a été très présent à la télévision, primaire oblige. Du côté de l'Elysée, on demande donc un "rééquilibrage" du temps de parole d'ici à la fin de l'année. Pour leJDD.fr, Christine Kelly, en charge du dossier du pluralisme au Conseil supérieur de l'Audiovisuel (CSA), explique le fonctionnement du temps de parole.

Quelle est la règle qui régit le temps de parole?
Le pluralisme est un principe constitutionnel, l'un des plus forts que doivent respecter les chaînes et les radios. Le but est de donner au téléspectateur, qui est aussi un citoyen, les éléments nécessaires pour aller voter.

Comment le temps de parole est-il réparti entre majorité et opposition?
Dans la majorité, on trouve les propos du président de la République relevant du débat politique, ses collaborateurs, les membres du gouvernement, les députés, mais aussi Dominique de Villepin, Christine Boutin, etc. Dans l'opposition, on trouve le Parti socialiste, le Parti radical de gauche, Europe Ecologie-Les Verts et pour ceux qui ne relèvent ni de la majorité ni de l’opposition parlementaires, une catégorie a été créée en 2006 : on y trouve notamment le Modem, Debout la République. Enfin, il existe une dernière catégorie pour les partis non représentés au Parlement comme le Front national et le Nouveau parti anticapitaliste. Le principe est simple : l'opposition doit faire au moins 50% du temps de parole de la majorité. La majorité dispose de davantage de temps de parole car elle a été élue par le peuple. C'est une question de représentativité électorale.

Quelle est la temporalité?
On ne demande pas à une chaîne de respecter ce principe sur la journée, ni sur la semaine. On demande aux chaînes de respecter ce principe sur trois mois pour les journaux télévisés et sur six mois pour les magazines. Pour les JT, à la fin des trois mois, il faut donc atteindre l'équilibre fixé par ce principe de pluralisme.

«Primaire PS : des problèmes jamais vus auparavant»

Que se passe-t-il en cas de non-respect de ce principe?
Le CSA utilise ses procédures habituelles : les chaînes peuvent être convoquées, mises en garde, mises en demeure. Ensuite, on peut passer à une procédure de sanctions très redoutée par les chaînes. Cela peut aller jusqu'à une amende 3% du chiffre d'affaires d'une chaîne ou à la suppression d'un écran publicitaire. Cela se chiffre en millions d'euros. On peut aussi demander à la chaîne de lire un communiqué à l’antenne dans un JT. Si à la fin du trimestre, la chaîne ne respecte pas l'équilibre, elle n'a plus la possibilité de se rattraper. C'est pour ça que le CSA est en contact permanent avec les chaînes.

Quel est le principe qui régit le temps de parole en période électorale?
Nous allons bientôt adopter une délibération. En période électorale, donc à partir du 1er janvier 2012 jusqu'au premier tour, on a un décompte par candidat, sachant que quand ses soutiens parlent, c'est pris en compte. Entre les candidats, on demande aux chaînes de respecter un principe non pas de stricte égalité, mais d'équité. Tous doivent être représentés. Mais un candidat UMP ou PS aura plus de temps de parole qu'un candidat marginal. On accepte qu'il y ait plus ou moins de disparités. Il y a plusieurs critères pour se repérer, dont la représentativité des candidats au Parlement et leur capacité à animer une campagne. Si certains candidats sont eux-mêmes absents de la campagne, s'ils ne font pas de meetings, etc, on ne va pas reprocher à une chaîne de ne pas avoir parlé d'eux.

Avez-vous rencontré des problèmes particuliers dans le cadre inédit de la primaire socialiste?
On a rencontré des problèmes jamais vus auparavant. Il y a eu une surexposition de l'opposition. On avait déjà rencontré des problèmes de sous exposition à la fin de l'année dernière et on avait d'ailleurs mis en garde les chaînes qui n'avaient pas assez représenté l'opposition. Là, avec la primaire, certaines chaînes n'ont pas respecté la barre des 50%, certaines sont allées jusqu'à 90% du temps de parole de la majorité, voire 150-160% pour certaines chaînes! C'est une situation qui n’est pas acceptable car le pluralisme n'est plus respecté. Or, c'est la responsabilité des chaînes de donner cet équilibre au téléspectateur.

«Des sanctions le 19 octobre?»

Le conseiller de Nicolas Sarkozy, Franck Louvrier, demande un "rééquilibrage" du temps de parole avant le 31 décembre. Peut-on imaginer un scénario dans lequel le PS sera moins présent voire absent des écrans dans les semaines qui viennent?
Il n'en est pas question. Ce n’est en rien la faute du Parti socialiste qui ne doit pas être sanctionné. Si on tourne le problème à l'envers et qu'on dit qu'à partir de maintenant, la majorité va être surexposée, le CSA va, de la même façon, taper du poing sur la table. Le trimestre - juillet, août, septembre - est écoulé, donc c'est trop tard pour un rééquilibrage pour les JT. Le CSA est d'autant plus mécontent que nous avons tenu les chaînes par la main pendant tout l'été. On leur a demandé d’être vigilantes par rapport à la primaire socialiste et de prévoir. Et finalement, on constate que certaines chaînes n’ont pas respecté le principe de pluralisme. Les règles n'ont pas été respectées. En revanche, concernant les magazines, les chaînes peuvent encore se rattraper. On pourrait tolérer sur octobre-novembre-décembre une légère surexposition de la majorité, mais on ne va pas tolérer une forte exposition. Et ce d'autant plus qu'on se rapproche de la campagne.

Des avertissements ont-ils déjà été adressés à des chaînes?
On n'a pas encore les chiffres définitifs du trimestre écoulé, on les aura à la fin du mois d'octobre. Mais on a déjà des tendances et on ne s'interdit pas de prendre une décision rapide et ferme. Le CSA organise une conférence de presse à ce sujet le mercredi 19 octobre.

Y'a-t-il des bons et des moins bons élèves?
Les chaînes de France Télévisions ont, selon les chiffres qu'on a pour l'instant, respecté le temps de parole. Le service public a été exemplaire de ce point de vue. On peut vraiment les féliciter car cela montre que c'est possible. Et nous serons d'autant plus exigeant avec ceux qui n'ont pas respecté la règle. C'est le cas, a priori, de certaines chaînes d'infos et de certaines radios, qui ont explosé le temps de parole de l'opposition. Pour tous ceux qui n'auront pas respecté la règle, le CSA ne restera pas sans réponse.

Marianne Enault - leJDD.fr

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